Ce deuil qui me semble impossible à faire.

Le 13 février 2012, j'ai perdu mon fils, Augustin.

Je n'en parle pas souvent, parce que j'ai l'impression que les gens qui m'entourent n'arrive pas à comprendre l'immensité de ma douleur et de ma peine en rapport à son décès. Il avais 14 semaines et 1 jour de gestation, quand mes eaux ont crevés. 14 semaines et 1 jour, quand je me suis réveillée une heure plus tard avec des contractions. 14 semaines et 1 jour, quand il est sorti de mon ventre et que j'ai attendu l'ambulance dans la salle de bain, assise sur la toilette en le tenant dans mes mains. En essayant de ne pas hurler à pleins poumons mon horreur, mon désespoir et ma douleur pour ne pas effrayer mon grand de presque deux ans qui étais de l'autre côté de la porte, avec ma mère.

14 semaines, ce n'est pas très avancé, dans une grossesse. C'est à peine être sortie du premier trimestre. C'est pas tout à fais quatre mois. Ça n'empêche pas, par contre, que ce bébé là, je l'aimais. Pour moi, il n'étais pas anodin.  Pas abstrait non plus. Je l'avais vu danser dans mon ventre, trois semaines plus tôt et tout allais bien. Il étais plein de vie, très actif. Je l'avais même senti bouger pour la première fois, deux jours avant son décès. Ce fut donc surréel, quand deux matins plus tard il étais là, dans mes mains. De la grosseur d'un citron. Avec ses bras, ses jambes. Deux minis pieds et deux toutes petites main. Dix doigts, dix orteils. Deux yeux, un nez et la forme de ses lèvres. Mon bébé, mon fils, né beaucoup trop tôt.

Le deuil, c'est compliqué. Bien que les phases restent les mêmes pour tout le monde, les périodes de temps où ces phases durent varient de personnes à personnes, et de cas par cas. J'ai eu beaucoup de fausses couches dans ma vie. Ma fille, c'étais ma sixième grossesse...à l'âge de 25 ans. Certains deuil se sont fais rapidement, d'autres moins. Celui d'Augustin reste le plus difficile que j'ai eu à faire à ce jour. Ce deuil là, il c'est ajouter à une pile de deuil que j'avais déjà en cours de traitement. Deuil de ma relation de couple, deuil de mon idéal familiale, deuil de ma petite routine, de mon habitude et puis bam, deuil de cette grossesse.

Mais ce n'est pas juste de la grossesse, que je dois faire le deuil. C'est aussi de mon enfant, mon garçon. Cet enfant que je ne verrai jamais grandir. Qui ne me diras jamais" Je t'aime maman!" avec des petits yeux brillants. Cet enfant que je ne verrai jamais courir. Cet enfant qui ne me rendras jamais folle avec ses trente-six mille questions à la minute. Cet enfant que jamais je n'entendrai rire, ni que je ne verrai sourire. J'ai l'impression d'avoir été volée. Que la vie m'a arrachée du ventre mon bébé, dans une période où tout allais déjà mal pour moi, ou j'essayais de me garder la tête hors de l'eau. J'ai comme un creux, un grand vide en dedans. Il ne fais plus aussi mal qu'avant, mais il est toujours là.

Je disais récemment à une amie maman que quand tu accouche, c'est comme si un nouveau coeur te poussais, un coeur qui ne bats que pour ton nouveau bébé. Que l'amour d'une maman ne fais qu'augmenter exponentiellement avec son nombre d'enfants. J'en ai un, un coeur pour lui. Il bat fort, mais il bat dans le vide.

Je ne sais pas pourquoi ce deuil là est si difficile. Peut-être parce qu'il à été retardé. J'ai dû attendre les résultats d'autopsie pour pouvoir commencer à le faire, mon deuil. Je voulais savoir le sexe. Je voulais lui donner un nom. Parce que sans nom, c'est comme si il n'avais jamais existé. Et ça, je ne pouvais tout simplement pas l'accepter. L'autopsie m'a donner son sexe et la cause du décès. Une hémorragie au placenta, ce qui l'empêchais de recevoir les nutriments dont il avais besoin. Sur le coup, je me suis convaincue que c'étais ma faute, si il étais mort. Ma faute, mon placenta qui n'avais pas fais sa job. Mon corps qui l'avais tué, mon petit bébé.

Ce qui est bien, avec le processus de deuil, c'est qu'il se fais presque tout seul. Au début, tu à tellement mal que tu arrive à peine à respirer. La douleur est tellement vive que tu la ressent physiquement, aussi bien que si tu avais une immense plaie béante dans le torse dans laquelle les gens s'amuserais à mettre leur doigts pleins de sel et de jus de citron. Sauf que de jour en jour, la douleur s'estompe un peu. Respirer deviens plus facile. Puis, petit à petit, on pleure moins souvent. Jusqu'à un jour ne plus pleurer. Je n'ai pas encore atteint ce point là de mon deuil. Je me réveille encore la nuit en pleurant. De moins en moins, mais encore, deux ans plus tard.

Je ne pense pas qu'il soit possible de complètement faire un deuil comme celui là. Éventuellement, la peine s'estompe mais elle reste toujours là, cachée, attendant de se manifester. Mon Augustin je l'ai aimé, je l'aime et je l'aimerai toujours.

Je sais que beaucoup de gens ne comprennent pas que j'ai eu autant de peine, que j'ai encore autant de douleur face à ça. Je ne sais pas pourquoi moi non plus, d'ailleurs. Tout ce que je sais, c'est que j'ai le droit de me sentir comme ça. J'ai le droit de " ne pas en revenir". J'ai le droit, que ce soit encore sensible, d'encore pleurer quand je pense à lui, à sa courte vie. J'ai le droit de l'aimer, j'ai le droit de le pleurer. J'ai le droit de penser à lui. J'ai le droit de vivre son décès, ma perte et ma douleur à ma façon. J'ai le droit de prendre tout le temps du monde, si je veux.

J'ai un message pour les gens qui sont en lien avec des gens qui vivent des deuils comme celui-la. Mêlez-vous de vos affaires. N'essayez pas de dire aux gens éplorés comment vivre leur deuil. Même si vous ne comprenez pas leur peine, et l'étendue de leur douleur...même si pour vous c'est niaiseux d'avoir aussi mal pour ça...ne le dites pas. Soyez une présence réconfortante. Si la personne vous parle de son deuil, c'est qu'elle vous aimes et vous fais confiance. Essayez de l'accompagner là-dedans. Écoutez, respectez. Offrez vos bras pour un câlin. Ne posez pas de questions, même si vous êtes curieux. Laissez à la personne le temps de guérir. C'est pas parce que vous, vous avez vécu similaire et n,avez pas eu aussi mal que c'est vrai pour cette personne là aussi. Et surtout, surtout...essayez d'éviter de dire " Je sais ce que tu vis". Sauf votre respect...c'est impossible de savoir ce que l'autre vis. Vous n'êtes pas dans sa tête, dans son coeur. Chaque personne réagis différemment, vis les choses de manière bien personnelle. Vous pouvez avoir vécu similaire, oui. Mais il est impossible que vous sachiez ce que ressens la personne exactement. C'est le genre de phrase qui au début me donnais envie de hurler et de tout briser. Dans le fond, je le sais que vous dites ça pour bien faire, mais l'effet que ça donne, c'est que parce que vous, vous l'avez vécu de la façon que vous l'avez vécu, c'est ce qui est vrai pour tout le monde.

Il n'y a pas de date maximum, ni de date minimum sur un deuil. Ce serais beaucoup plus facile, beaucoup moins souffrant si magiquement ça ne durais qu'un temps bien définis. Mon deuil n'est pas fini. Il est sur la bonne voie, mais pour le moment, il est encore bien tangible. Je ne sais pas quand il vas être fais, non plus. Tout ce que je sais, c'est que chaque jour est plus facile.Que j'ai plus de bonnes que de mauvaises journées. Peut-être un jour je vais pouvoir penser à mon fils sans avoir mal. Une chose est certaine, c'est que je vais prendre tout le temps que j'ai besoin.

Je t'aime, Augustin. De tout mon coeur.


Commentaires

  1. Heartbreaking. There is no recovering from something like that...I can't even imagine. There is no one way to grieve and no timeline to follow. Feel whatever comes naturally. Hugs to you, my friend. RIP Little Augustin.

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